Chausser la famille
Si vêtir la famille est l’apanage exclusif des femmes à cette époque, la chausser demande un travail de collaboration entre mari et épouse.
Le cuir, élément essentiel à la fabrication de toute chaussure, nécessite une préparation longue et ardue. Le père s’occupe de récupérer les peaux lors de la boucherie, de les nettoyer et d’effectuer les premières étapes qui empêchent celles-ci de pourrir. La mère s’applique ensuite à tanner les peaux selon une technique traditionnelle amérindienne comprenant des temps de séchage et d’assouplissage.
Les peaux de bœuf plus épaisses et robustes servent pour confectionner les selles et les attelages de chevaux et aussi pour les semelles des chaussures, c’est l’homme de la maison qui est en charge de les couper. La ménagère, elle, travaille avec les peaux de veau pour la confection des souliers de la famille. Elles doivent être souples et obéir à la pression de la main.
Quand tout le monde dispose de sa paire de chaussures, chacun voit à son entretien. La graisse d’ours est la plus souvent utilisée, elle aide à conserver la couleur et la souplesse du cuir, dans certains cas, elle est remplacée par l’huile de lin.
Pour fabriquer des chaussures, le processus est similaire à celui de la couture, connaître la grandeur, tailler les morceaux selon un patron et les assembler.
Le gabarit de la semelle s’obtient en traçant sur du papier d’emballage brun le contour des deux pieds de la personne à chausser puis en l’élargissant d’un pouce (2,5 cm) tout autour pour la valeur de la couture. Le même procédé est utilisé pour les habituels trois morceaux qui forment le corps de la chaussure, un « dessus » incluant la « langue » et deux pièces pour les côtés.
Cette étape terminée, la mère taille les pièces de cuir de veau pour le corps du soulier alors que le père s’occupe de tailler les semelles dans le cuir de bœuf plus rigide et difficile à couper. Avant l’assemblage, le cuir qui doit épouser le dessus du pied, est placé sur un moule de fer. Avec ses mains, la mère travaille le cuir jusqu’à ce qu’il prenne la forme désirée. Elle coud ensuite à la main les pièces latérales au « dessus » et « ferme » de la même manière la chaussure à l’arrière.
Après avoir percé à la fois le cuir du haut de la chaussure et celui de la semelle, une couture avec un fil robuste enduit d’arcanson les réunit et l’assemblage est solidifié par l’addition d’une série de braquettes (petits clous à large tête) sur tout le pourtour de la semelle. Puis vient l’installation du talon, lui-même formé de trois à quatre épaisseurs de peau de bœuf et collé à l’aide d’un mélange de cartilage de veau et de résine de sapin ou d’épinette. Pour les chaussures destinées aux hommes, un petit morceau de fer est ajouté à ce talon.
Deux bandes de cuir sont taillées et cousues pour renforcer la partie qui doit recevoir les œillets. Les trous pour passer les cordons sont percés à l’aide d’une alène, les œillets y sont insérés et « écrasés » avec une grosse pince et tout est fin prêt pour hériter des lacets crochetés par la mère avec de la laine ou de la fibre de chanvre.
Si ces souliers ne font pas toujours un pied élancé, ils font le bonheur de chacun pour marcher, pour travailleur et même pour danser!