Le déneigement de la Route 11

La ligne de chemin de fer du Canadien Pacifique Montréal-Mont-Laurier, aussi appelée « train du Nord » a longtemps été le seul véritable accès hivernal pour les hautes Laurentides. Ce même train qui amène les skieurs dans les années 1930, si important au développement régional. Qui à cette époque aurait prédit que l’automobile l’achèverait? Dès ses débuts, on lui voit déjà de nombreux avantages, comme l’absence d’horaire à respecter et la liberté de ne pas avoir besoin de rails. On a aménagé dans les années 1920 la route 11, aussi appelée route nationale. Mais cette route, on ne pouvait que l’emprunter à l’été et à l’automne, du moins pour la partie au Nord de Saint-Jérôme.

Il faut savoir que le rêve d’une route qui parcourt les Laurentides de Montréal à Mont-Laurier ne date pas d’hier. Dans les années 1920, on tient des expositions automobiles à Saint-Jérôme, et il y a des « vendeurs » d’automobiles jusqu’à Ferme-Neuve. Le ministère de la voirie est créé en 1914 par le gouvernement du Québec et il construit les  routes nationales dès 1920. On procède aussi à l’amélioration de routes existantes en réduisant les obstacles comme les courbes et les pentes. On gravelle par exemple la route 11 entre Sainte-Agathe et Mont-Laurier en 1926. Après 1945, la macadamisation sera la norme. C’est une sorte d’enrobage de bitume et de roche. On peut donc comprendre qu’il est ardu de déneiger ce type de route à l’époque. Rappelons que le déneigement des routes n’est pas la responsabilité du ministère de la voirie à ce moment-là, faute d’achalandage.

La charrue de Gaston Levert en février 1947 à Saint-Faustin. Courtoisie de Yolande Levert

Alors que Joe Ryan lance son centre de ski au Mont-Tremblant à l’hiver 1938-1939, il souhaite que sa clientèle vienne en voiture jusqu’à son complexe de villégiature. Jean-Louis Brissette, industriel de Sainte-Agathe-des-Monts, assure le déneigement pour les hivers 1938-1939. L’opération est dispendieuse, comme le découvrirons les successeurs de Brissette, des hôteliers laurentiens organisés sous la bannière de « Laurentian Winter Roads » de 1941 à 1945. À l’époque, on ouvre la route en hiver avec des camions lourds équipés de grattes mécaniques. Il est impensable de s’offrir des souffleuses à neige, cette invention du Montréalais Arthur Sicard, car elles sont trop chères. Bien que le gouvernement du Québec finance les opérations de déneigement, il reste difficile d’offrir un déneigement adéquat de la route nationale, particulièrement entre Saint-Jovite et Labelle. Sept chambres de commerces tiennent d’ailleurs un congrès à ce sujet à Saint-Jovite en 1947, dans lequel on recommande que ce soit le gouvernement qui s’occupe entièrement des opérations de déneigement pour la route nationale. Cette route que l’on considère « prioritaire », considérant son achalandage de plus en plus élevé par les villégiateurs Montréalais, mais aussi Américains…

Mais attention, « À cent mille à l’heure sur la route 11 » comme le chante Ferland, ce n’est pas encore réalisable!

Texte écrit par Philippe Aubry

Le berceau de Saint-Jovite

Suite à une expédition en 1870, le curé Labelle écrit: « Sur le sommet de la plus haute montagne de Wolfe, j’ai aperçu le canton de Salaberry qui forme une belle plaine. On se croirait dans une  de nos belles seigneuries.»

En effet, début des années 1860, au centre du canton, un récent feu de forêt a dénudé une grande partie d’un terrain légèrement vallonné, bordé d’une paisible rivière et de deux ruisseaux ponctués de chutes. C’est un emplacement de choix pour devenir le centre de la mission du Grand-Brûlé et pour lequel, le curé Samuel Ouimet choisit le nom de Saint-Jovite en 1879.

Pourtant, dès 1864, le chantier des frères Hamilton établi au confluent de la rivière La Diable et de la rivière Rouge attire chaque année son quota de bûcherons. Une fois le bois coupé et ramassé, la compagnie cède aux colons les terres à défricher. Ceux-ci viennent donc peu à peu s’établir dans la plaine sur leur lot respectif. Une fois la terre essouchée et la maison bâtie, la famille emménage avec l’espérance d’une terre généreuse.

 

01village St-Jovite vers 1895-

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Village de Saint-Jovite en 1889

Cette large vallée commence donc à être occupée.  Mais le curé Antoine Labelle rêve d’un village sur les belles terres du Grand-Brûlé et part en campagne afin de vanter les atouts du lieu.  Petit à petit, deux alignements d’habitations se profilent avec dépendances et potager à l’arrière.  Sur les cours d’eau surgissent des moulins à scie et à farine.   Le jeune hameau bénéficie donc des matériaux nécessaires à l’édification de ses bâtiments et de facilité pour moudre son grain.  Toujours grâce à ces ruisseaux, l’ajout très tôt d’un pouvoir électrique deviendra un autre élément favorable à son expansion.

Tout village créé nécessite un cimetière pour le repos des personnes décédées. Les villageois  réservent donc pour cette fonction l’emplacement en face de celui prévu pour l’église. Cependant, cet endroit s’avère rapidement trop étroit. Le curé, en accord avec ses paroissiens, décide en 1893 de déménager le cimetière dans un lieu plus vaste, choisi avec perspicacité puisqu’encore utilisé aujourd’hui.  La relocalisation est délicate : chaque fosse est creusée à la petite pelle et les ossements placés dans un sac libellé au nom du défunt. Puis, les sacs sont disposés dans un tombereau en guise de corbillard.  Les chevaux transportent ainsi les corps qui sont ensuite déposés dans leur nouvelle tombe bien identifiée par une croix de bois ou de fer fabriquée par leur famille.

Sur le terrain laissé vacant par le déménagement du cimetière, on prévoit ériger un collège pour les garçons et on creuse donc pour l’installation des fondations. Au grand désarroi du curé, au cours des manœuvres, les ouvriers déterrent quelques os.  Incrédulité, indignation, colère, certains paroissiens s’échauffent et menacent…  Le curé Samuel Ouimet se dépêche d’écrire à son évêque.  « Un mauvais citoyen poussé par un autre, plus instruit et plus méchant, me menace de me faire rendre  compte de ma conduite devant la cour civile » Craignant d’éventuelles poursuites, il demande expressément à son évêque une permission écrite d’exhumer ces os, ainsi que l’obtention d’un Ordre de la Cour.  ( Extrait d’une lettre datée du 14 novembre 1893).

L’incident fait suffisamment de vagues pour qu’on modifie le choix du site du futur collège. La fabrique de Saint-Jovite donne alors un terrain au fond de son jardin, près de la rue actuelle de l’école. Suite à cet incident malheureux le terrain devint presque maudit, on le dit habité par des âmes ayant été dérangées dans leur sommeil, et on le laisse à l’abandon.   Ce terrain est réhabilité quelques années plus tard, vers 1900, et converti en parc. L’aménagement du parc est comme suit :   L’arrière du terrain est occupé par la caserne des pompiers volontaires ainsi que par la tour utilisée pour sécher les boyaux d’incendie.  Au signal du tocsin, les villageois accourent pour secourir les éprouvés et éteindre le feu. C’est un travail d’entraide.

edifice pompier

© Sopabic

Caserne de pompier

L’avant du terrain est rehaussé d’un pimpant kiosque en bois et d’une clôture de cèdre bordant la route qui permet aux charretiers d’attacher leurs chevaux. Le dimanche, après avoir assisté à la messe, il est de coutume que les paroissiens se regroupent qui sur le perron de l’église, qui dans le parc, pour discuter et échanger des nouvelles. Pendant ce temps, kiosque et parc bourdonnent de courses, de cris et de rires enfantins une récréation très appréciée après l’effort « de piété » dominicale. Il faut dire que les messes en ce temps duraient facilement deux heures. Le sermon du curé lui, une bonne heure. Souvent les hommes sortaient sur le perron pour fumer leur pipe alors que la mère et les enfants entendaient la messe en silence.

 

Parc St-Jovite

Droits réservés: SOPABIC

Kiosque bâti vers 1900

En 1970, pour répondre à un nouveau besoin social, la fabrique cède ce terrain au cœur du village, afin de construire un centre d’accueil en 1971, pour personnes âgées et pour les personnes en perte d’autonomie. Même si les fonctions de l’établissement ont évolué au cours des ans, l’édifice est toujours dédié à cette clientèle.   Pendant ce siècle (1870-1970) la paroisse s’est beaucoup développée et les défricheurs avec leurs familles nombreuses l’ont peuplée en un temps record et ont contribué à assurer la descendance  française dans la région.   Lors de la fusion des municipalités, « Ville de Mont-Tremblant » devient le nouveau vocable de cette agglomération élargie.

 

Recherche et rédaction : Colette Légaré pour la Société du Patrimoine : SOPABIC

Collaboratrices;  Renée Giroux, Lise Laverdure, Ghislaine Lussier et Jocelyne Patry.

Tous droits réservés: Société du Patrimoine : SOPABIC

Maison Linière Grégoire

La maison Linière Grégoire

Linière Grégoire, venant de St-Janvier, arrive à Saint-Jovite en 1892.  Dans cette maison, il établit sa famille ainsi que le premier atelier de  ferblanterie du village. Le travail ne manque pas, entre la confection et la réparation, à la main et sans électricité, de divers ustensiles, plats à lait (pour obtenir le lait caillé ou pour mettre la crème en attendant d’en avoir assez pour fabriquer le beurre), gobelets, chaudières, porte-poussières, etc…

sopabic

©sopabic objets en fer blanc

 

Si le lot de ferblanterie est surtout fabriqué durant l’automne et l’hiver, le printemps et l’été sont consacrés à la tournée des villages, de Montréal jusqu’au Rapide de l’Orignal (Mont-Laurier), afin d’en vendre les produits. Linière place son butin dans la carriole et part avec son cheval parcourir les grands chemins pour le vendre. Il faut dire que cela prend de la patience car en ce temps, aller à Montréal avec son cheval prend une semaine. Il faut faire des arrêts pour manger et dormir. Il doit  également prendre soin de son cheval.

Au début du XIXe siècle, le conseil municipal siège en haut de la boutique du ferblantier et aménage l’espace pour le public avec des bancs sommaires faits de madriers cloués à des bûches. Le Conseil arrêtera de tenir ses assemblées municipales en 1899, lors de la construction de l’hôtel de Ville sur le terrain de la Fabrique. (aujourd’hui emplacement de l’école l’Odyssée.)

Le courrier transite aussi dans cette demeure car Linière Grégoire a occupé la fonction de  maître de poste pendant de longues années. Il faut se rappeler qu’avant la construction du bureau de poste en 1939, le bureau de poste est dans une maison privée. Le maître de poste est de même allégeance politique que le premier ministre.(Selon les Bleus ou les Rouges). C’est la raison pour laquelle le changement de maison d’un côté à l’autre de la rue principale a lieu.

 

Recherche et texte pour la Société du Patrimoine : SOPABIC

L’équipe : Renée Giroux, Lise Laverdure, Colette Légaré, Ghislaine Lussier et Jocelyne Patry.

Le curé Charles-Hector Deslauriers, un sauveur pour Mont-Tremblant

Le curé Charles-Hector Deslauriers, un sauveur pour Mont-Tremblant

Bien plus qu’un guide spirituel, l’abbé Charles-Hector Deslauriers s’est investi dans le développement de Mont-Tremblant pendant 50 ans.

Ordonné prêtre le 7 juin 1925 à Mont-Laurier, le curé Deslauriers est affecté dans la petite paroisse Sacré-Cœur-de-Jésus le 21 juillet 1929, à la veille de la Grande Dépression. Il voit rapidement à la construction de l’église sur la demande expresse de Mgr Eugène Limoges, évêque du diocèse de Mont-Laurier. La crise économique sans précédent de 1930 causera la fermeture du principal employeur du village, la Standard Chemical, une usine de produits dérivés du bois. Dans sa serre aménagée, il produit des légumes qu’il vend bon marché à ses paroissiens.

Visionnaire comme le fut le curé Labelle, le curé Deslauriers voit une seule façon de sauver son village et ses paroissiens de la misère : le tourisme. Conquis par la beauté du paysage, un riche Américain du nom de Joseph Ryan arrive avec un projet de développement de la montagne Tremblante. Le curé Deslauriers apporte tout son soutien au promoteur, sert de médiateur avec le gouvernement et favorise l’embauche des travailleurs locaux pour défricher les futures pistes de ski et construire un véritable petit village typique au pied de la montagne. En 1939, le Mont-Tremblant Lodge ouvre ses portes. Le centre de ski connaît un grand succès et l’avenir du village est donc assuré.

Il réussit avec l’appui de la population à convaincre Québec de créer la municipalité autonome du Village de Mont-Tremblant le 17 mai 1940, en détachement des Cantons unis.

Complice des Ryan, le curé Deslauriers devient pasteur de la chapelle Saint-Bernard construite à la montagne. Dès 1942, après la messe dominicale, l’abbé bénit en anglais et en français, les skieurs rassemblés aux portes de la chapelle. Féru de nature, il fera la promotion de l’horticulture dans la communauté et la plantation d’un million d’arbres dans la région. Des plants de légumes et fleurs de sa serre garniront bon nombre de jardins et parterres du coin.

Décédé le 23 avril 1979, à 81 ans, le curé Deslauriers aura non seulement guidé les âmes de ses paroissiens tremblantois pendant 50 ans, mais il aura aussi contribué à leur bien-être en favorisant la création d’emplois et d’un bel environnement.